Q : Je me souviens qu'il y a longtemps, mon oncle prenait un médicament qui l'empêchait de boire de l'alcool. Il disait que cela le rendait très malade s'il buvait pendant qu'il prenait ce médicament. Est-ce qu'un tel médicament existe encore ?
Le médicament auquel vous faites référence est probablement l'Antabuse (disulfiram). Bien qu'il ne soit plus commercialisé au Canada, il est toujours possible de se le procurer dans certaines pharmacies spécialisées. L'Antabuse agit comme une forme de thérapie d'aversion à l'alcool : si vous buvez de l'alcool pendant que le médicament est dans votre organisme, il déclenche ce qu'on appelle une réaction au disulfiram, qui peut provoquer des bouffées de chaleur intenses, des maux de tête, des nausées et des vomissements. Il n'est pas considéré aujourd'hui comme un traitement de première intention pour les troubles liés à la consommation d'alcool (TCA).
Le TCA est plus fréquent que beaucoup ne le pensent. Une enquête canadienne sur la santé communautaire réalisée en 2021 a révélé qu'environ 18 % des Canadiens âgés de 15 ans ou plus répondront aux critères du TCA à un moment donné de leur vie. Ce trouble se caractérise généralement par une consommation excessive d'alcool et une perte de contrôle sur cette consommation, malgré la conscience des dommages qu'elle cause. Il est considéré comme une affection médicale potentiellement chronique qui, dans de nombreux cas, s'accompagne de périodes de rechute et de rémission.
Les lignes directrices canadiennes actuelles pour la prise en charge clinique de la consommation d'alcool à haut risque et des troubles liés à l'usage d'alcool recommandent la naltrexone ou l'acamprosate comme médicaments de première intention privilégiés pour les adultes atteints d'un TUA modéré à sévère.
La naltrexone aide à réduire l'effet agréable et renforçateur de l'alcool et peut également diminuer les envies. Elle est utile à la fois pour les personnes dont l'objectif est d'arrêter de boire et pour celles qui souhaitent réduire leur consommation excessive d'alcool afin d'améliorer leur bien-être et de minimiser les méfaits liés à l'alcool. La naltrexone est prise une fois par jour, avec ou sans nourriture, et il est important de noter qu'il n'est pas nécessaire d'être abstinent avant de commencer le traitement.
L'acamprosate, en revanche, est spécifiquement utilisé lorsque l'objectif est l'abstinence totale. Il agit en réduisant les envies et en aidant les personnes à rester sobres. Contrairement à la naltrexone, le traitement à l'acamprosate est plus efficace lorsque la personne est déjà sobre depuis plusieurs jours avant de commencer le traitement. La dose standard est prise trois fois par jour au moment des repas.
Beaucoup de gens se demandent souvent quelle est l'efficacité réelle de ces médicaments. Les lignes directrices utilisent un calcul appelé « nombre de personnes à traiter » (NNT), qui indique combien de personnes doivent recevoir le traitement pour qu'une personne en tire profit. Par exemple, un NNT de 10 signifie que sur 10 personnes traitées, une personne obtiendra le résultat souhaité grâce au traitement seul. Plus le nombre est faible, plus le traitement est efficace.
Pour la naltrexone, le NNT est de 20 pour favoriser l'abstinence totale et de 12 pour réduire la consommation excessive d'alcool. Cela signifie que sur 20 personnes prenant de la naltrexone pour arrêter de boire, une personne réussira à ne pas retomber dans l'alcoolisme grâce au médicament. Sur 12 personnes qui l'utilisent pour réduire leur consommation excessive d'alcool, une évitera les épisodes de consommation excessive grâce au traitement. L'acamprosate, qui n'est utilisé que pour l'abstinence, a un NNT de 12. Ces chiffres peuvent sembler modestes, mais compte tenu de la complexité et de la difficulté de la dépendance, ils représentent des améliorations significatives et peuvent contribuer de manière importante au rétablissement à long terme. La durée typique du traitement varie de 6 à 12 mois.
Bien qu'aucun lien direct n'ait été établi, je tiens à mentionner que les essais cliniques sur l'acamprosate ont fait état d'effets indésirables de nature suicidaire, notamment des pensées suicidaires, des tentatives de suicide et, dans de rares cas, des suicides. Ces effets indésirables sont survenus chez 2,4 % des personnes prenant de l'acamprosate, contre 0,8 % dans le groupe placebo. Ces résultats ne démontrent pas que l'acamprosate provoque des comportements suicidaires, mais ils soulignent l'importance d'une communication ouverte, d'une surveillance étroite et d'un suivi régulier avec votre équipe soignante, ce qui est déjà recommandé pour toute personne suivant un traitement pour un trouble lié à l'usage d'alcool. Le soutien est essentiel.
Dans la pratique, les médicaments pour traiter l'AUD ne sont pas couramment utilisés. La consommation d'alcool n'est souvent pas évaluée, et lorsqu'elle l'est, de nombreuses personnes se sentent obligées de minimiser leur consommation. Pourtant, lors d'un sondage anonyme mené auprès de Canadiens, 57 % des adultes ont déclaré boire au-delà des niveaux à faible risque pour l'AUD. Si vous pensez que votre consommation d'alcool affecte votre vie, n'hésitez pas à en parler à votre professionnel de la santé.